
À l’écoute du cerveau : capter les ondes cérébrales via le conduit auditif
Capter les ondes cérébrales via le conduit auditif, cela peut sembler étrange. C’est pourtant déjà possible. À quoi cela peut-il servir, et faut-il s’en inquiéter ? Certains experts commencent à étudier le sujet. Voici ce qu’ils en disent.
Est-ce que ça vous dirait d’être augmenté ? D’être doté de capacités que vous ne pouvez acquérir ni par votre naissance, ni par votre éducation, des capacités dignes d’un film de science-fiction ? Des scientifiques très sérieux travaillent sur ce sujet, et leurs premiers résultats sont très prometteurs. Un des défis en train d’être relevé est par exemple la captation des ondes cérébrales par le conduit auditif. Il reste quelques challenges technologiques à surmonter, comme le fait d’arriver à percevoir les ondes cérébrales sans avoir de bruits de fond parasites. Mais il est permis de rêver.
L’EEG pour tous
Un électroencéphalogramme (EEG) est un examen qui permet de mesurer l’activité électrique du cerveau en temps réel par le biais d’électrodes placées sur le cuir chevelu. Totalement indolore, il est prescrit notamment lors d’une suspicion de crise d’épilepsie, ou pour des troubles de la mémoire. Les ondes cérébrales sont enregistrées. Chacune d’entre elles apporte des informations sur ce qui se passe dans le cerveau.
- Les ondes delta correspondent à un état de sommeil profond,
- les ondes thêta à un état de somnolence ou d’hypnose,
- les bêta à une activité mentale modérée,
- alors que les gamma sont le signe d’une activité mentale intense, par exemple lors de la résolution d’un problème de mathématiques.
La société NAOX Technologies a été fondée avec une mission : démocratiser les électroencéphalogrammes, ces fenêtres sur l’activité cérébrale. Elle a imaginé un EEG prenant la forme d’écouteurs, pour enregistrer ce qui se passe dans le cerveau hors de l’hôpital, dans la vie réelle des patients. S’ils le souhaitent, ces derniers pourront aussi accepter de partager leurs données, pour contribuer à la recherche.
Les AirPods, « branchés » sur le cerveau
Apple montre depuis longtemps son intérêt pour la santé. Exemple avec l’Apple Watch, qui enregistre les battements cardiaques. La firme est en train de passer au niveau supérieur. Elle a ainsi récemment annoncé que ses prochains modèles d’AirPods seront capables, grâce à des capteurs intégrés, de lire les ondes cérébrales de l’utilisateur. Elle n’a pas précisé à quoi précisément serviront ces écouteurs d’un nouveau genre. Mais ils pourraient, par exemple, scanner l’activité du cerveau pendant le sommeil, apportant ainsi de précieuses informations, par exemple à quel stade du sommeil le cerveau mémorise des informations, et à quel stade il en « efface ».
Apple n’est pas la seule marque à avoir des idées futuristes. Bien au contraire ! Une start-up zurichoise, Idun Technologies, travaille aussi sur des écouteurs permettant de mesurer les ondes cérébrales par le conduit auditif. Des électrodes miniatures, intégrées aux écouteurs, capteraient ainsi les signaux électriques émis par les neurones. Ces signaux seraient ensuite interprétés, ce qui pourrait permettre de donner des informations sur la santé de l’utilisateur, par exemple ses performances cognitives. Le fonctionnement précis de ces écouteurs reste encore, pour l’heure, un secret bien gardé. Un point important : tous ces écouteurs donnent un aperçu de ce qui se passe dans le cerveau, mais ils ne lisent pas dans les pensées.
La télépathie, une utopie ou notre future réalité ?
Lire dans les pensées. C’est un très vieux rêve. La captation des ondes cérébrales par le conduit auditif pourrait-elle ouvrir la possibilité de décrypter ce que nous voulons dire avant même que nous ayons prononcé les mots ? Certains scientifiques y croient. Pour résumer, l’idée serait de demander à un ordinateur de convertir en pensées des ondes cérébrales. Les implants dans les oreilles pourraient être un moyen de capter ces ondes cérébrales. Ces implants seraient connectés à des ordinateurs, équipés d’algorithmes capables d’interpréter les données cérébrales. Un tel dispositif -s’il existait un jour, ce qui reste, pour l’heure, peu probable- ferait passer pour la première fois du dire (par la parole) au faire dire (par l’ordinateur, la machine). Une des difficultés à surmonter serait alors d’être capables de brouiller nos pensées parasites, pour ne pas communiquer ce que l’on souhaite garder pour soi.
Les promesses (et les potentiels dangers) de la neuro-augmentation
Dans son livre « The battle for your brain, defending the right to think freely in the age of neurotechnology » (La bataille pour votre cerveau, défendre le droit de penser librement à l’ère des neurotechnologies), Nita A. Farahany, professeure de droit et philosophie à la Duke University (Etats-Unis), voit de nombreuses applications possibles pour la captation des ondes cérébrales dans le conduit auditif. Par exemple, détecter des moments de stress, recevoir une alerte quelques minutes avant le début d’une crise d’épilepsie, éliminer des souvenirs douloureux de sa mémoire, ou se débarrasser une fois pour toutes d’une addiction. Ces innovations pourraient transformer nos vies pour le meilleur.
Loin d’être une ennemie de la technologie, l’auteure le reconnaît, en soulignant que cela pourrait « immensément bénéficier à l’humanité ». Mais elle met aussi en garde : « cela pourrait aussi menacer sérieusement notre droit au respect de notre vie privée, et à notre liberté de penser. » Le sujet soulèvera évidemment de nombreuses questions éthiques, auxquelles chaque pays devra s’attaquer. L’interprétation et la conservation des données cérébrales, notamment, pose question, a minima. Nita A. Farahany invite à s’en préoccuper dès à présent, pour être préparés au mieux quand cette nouvelle ère démarrera. Même s’il faudra sans doute de très longues années avant que cela soit le cas…