Les filtres thérapeutiques, l’allié inattendu de la vision

En octobre, plusieurs experts se sont réunis pour la 13e édition du Colloque Basse Vision Optic 2000 pour échanger autour des dernières avancées sur la basse vision. Parmi les thèmes abordés, les filtres thérapeutiques. Une solution encore peu connue du grand public, mais très utile pour améliorer la qualité de vie des personnes malvoyantes. Explications.
Atténuer les effets du glaucome : le rôle des filtres protecteurs
Maladie grave, irréversible, le glaucome peut entraîner une profonde malvoyance, voire même, dans les cas les plus sévères, une cécité. En France, 1 300 000 personnes sont traitées pour un glaucome. Avec cette pathologie, « on assiste à une sorte d’effacement. Des détails disparaissent et vont être remplacés par des zones floues et une espèce de brouillard global », déplore le Pr Christophe Baudouin, chef de service d’ophtalmologie à l’hôpital national des Quinze-Vingts. La vision centrale est préservée assez longtemps, mais la sensibilité à la lumière se transforme en une sensation, invalidante, d’éblouissement permanent. Si la lumière est nécessaire à la vision, un excès de lumière est gênant et crée ce brouillard, et cette sensation d’éblouissement.
Quel est l’intérêt des filtres thérapeutiques pour les personnes souffrant de glaucome ? Non seulement ils font « rempart » contre les ultraviolets, permettant ainsi de freiner le vieillissement oculaire, mais ils réduisent aussi l’éblouissement, tout en augmentant les contrastes, permettant ainsi de distinguer les reliefs de manière plus nette.
Sécheresse oculaire et sensibilité à la lumière, les liaisons dangereuses
Le film lacrymal permet d’apaiser une irritation -par exemple celle provoquée par l’oxyde de propanethial, ce gaz dégagé lors de l’épluchage d’un oignon-, ou de balayer des poussières, jouant ainsi le rôle de garde du corps de la cornée. La sécheresse oculaire peut être due à un manque ou une mauvaise qualité des larmes. Elle peut entraîner une augmentation de l’éblouissement, et des douleurs chroniques. Là encore, les filtres peuvent apporter un réel confort. Ces filtres sont des verres développés par les laboratoires pour filtrer la lumière, et ne retenir que certaines longueurs d’onde du spectre visible.
Hypersensibilité à la lumière : la solution des CECOM
Les Centres d’Essais et de Conseils en Optique pour les Malvoyants (CECOM) ont pour mission d’aider les personnes malvoyantes, « notamment grâce aux conseils d’orthoptistes et d’opticiens spécialisés, et en orientant les patients vers des professionnels proches de chez eux. » Parmi les conseils dispensés, ceux sur l’utilisation de filtres thérapeutiques reviennent fréquemment. Depuis longtemps, les opticiens spécialisés en basse vision ont utilisé des filtres allant du jaune clair au rouge foncé. Pourquoi ? Parce que ces filtres ont un pouvoir, celui « d’absorber » les basses longueurs d’ondes de la lumière visible, la lumière bleue et la lumière violette. En faisant cela, ils réduisent l’éblouissement.
De l’intérêt des filtres roses
Les filtres roses, eux, ont été introduits plus récemment sur le marché. Initialement dédiés aux personnes migraineuses, ils filtrent les longueurs d’onde autour de 480 nanomètres, tout en laissant passer une partie des bleus et certains rouges. Ces filtres auraient un pouvoir, celui de soulager la photophobie, cette hypersensibilité à la lumière qui peut parfois être douloureuse. C’est pour confirmer cette hypothèse que le CECOM de Paris fait tester, en collaboration avec le Pr Baudouin et son équipe, les verres roses à des personnes photophobes. Le Centre a ainsi mis en place un « parcours douleur-éblouissement » visant à atténuer l’hypersensibilité lumineuse d’hommes et de femmes souffrant de photophobie, en leur faisant tester des filtres roses et jaunes. Ces derniers filtrent principalement les bleus violets. À l’image des filtres roses, ils limitent l’éblouissement. Un entretien avec un orthoptiste, suivi par une évaluation avec un opticien, aboutit à des préconisations de filtres. Un parcours d’1h30 au total, qui doit aboutir à un réel soulagement de la gêne.
Des filtres adaptés à chaque niveau de sensibilité
Un parcours plus succinct et adapté à l’activité en magasin a été conçu pour les opticiens spécialisés en basse vision de l’enseigne Optic 2000, et présenté lors du colloque. Il s’adresse aux personnes souffrant d’hypersensibilité à la lumière ou de sécheresse oculaire associée à des douleurs. Concrètement, quand l’une d’entre elles pousse la porte d’un magasin, l’opticien commence par évaluer son degré de sensibilité lumineuse, et ses techniques actuelles de compensation. Il évalue la gêne par une échelle allant de 0 (absence de gêne) à 4 (gêne insupportable). Après cette première étape, le patient s’installe face à une lampe d’intensité fixe et de couleur neutre (4500°K). L’opticien peut ainsi évaluer, avec la même échelle, la gêne de la personne face à cette source lumineuse désagréable, dans trois conditions :
- sans filtre,
- avec la première teinte (rose),
- puis avec la seconde (jaune).
Ses réponses vont guider la préconisation finale de l’opticien. Les premiers résultats de l’étude montrent que la gêne est sensiblement soulagée par les filtres testés. Une large majorité des patients ont trouvé que les filtres roses étaient ceux qui soulageaient le mieux la photosensibilité. À l’exception des personnes atteintes d’un glaucome sévère, qui ont préféré le filtre jaune-orangé. Enfin, les personnes ayant une basse acuité visuelle ont souvent préféré les filtres jaunes. Quelle que soit la couleur du filtre préférée par le porteur, ces résultats montrent que les filtres sont bel et bien efficaces pour soulager les personnes malvoyantes et les aider à mieux voir, sans douleur. Une solution confortable qui gagne à être (encore plus) connue.