
Le point sur… les techniques pour changer la couleur de ses yeux
À ceux qui rêvent de changer la couleur de leurs yeux, les lentilles de couleur offrent une solution éphémère. Mais pour un résultat définitif, d’autres techniques plus radicales font parler d’elles, en particulier la kérato-pigmentation. Sont-elles efficaces, et surtout, sans risque ? Éléments de réponse.
Qu’ils soient bleus, verts ou bruns, nos yeux doivent leur couleur à la quantité et à la répartition de la mélanine dans l’iris – un trait unique, propre à chacun. Mais certains aimeraient en modifier la teinte. Pour y parvenir, une technique fait beaucoup parler d’elle depuis peu : la kérato-pigmentation. Elle est pourtant loin d’être nouvelle.
La kérato-pigmentation, un « tatouage » de la cornée
La kérato-pigmentation fait beaucoup parler d’elle récemment. Elle est pourtant loin d’être nouvelle. « Depuis longtemps, elle est utilisée dans un but thérapeutique, par exemple pour corriger des séquelles de traumatisme ou d’infection. Ces lésions peuvent laisser des opacités ou des cicatrices sur la cornée, altérant la couleur ou l’aspect de l’œil. La pigmentation vise alors à masquer ces défauts visuels et à restaurer un aspect naturel. », explique le Dr Alain Saad, chirurgien ophtalmologue à Paris. Ce qui est nouveau, c’est que de plus en plus de personnes la réclament à des fins purement esthétiques. « Certains patients sont prêts à tout pour changer la couleur de leurs yeux. J’en ai vu partir à l’étranger pour subir des opérations que des chirurgiens français refusaient de pratiquer », constate le Dr Saad.
En France, il n’y a pas de chiffre officiel sur le sujet. Moins d’une dizaine de chirurgiens ophtalmologues pratiqueraient cette opération. Un phénomène qui pousse les experts à s’interroger sur la balance bénéfice-risques de ce type d’opération. Car une chirurgie sur la cornée, une des zones les plus délicates du corps humain, est tout sauf anodine.
« Cette technique consiste à colorer la cornée, cette fine membrane transparente située à l’avant de l’œil. »
Concrètement, un laser femtoseconde – le même que celui utilisé pour corriger la myopie – « crée une poche dans la cornée. Dans cette cavité, on injecte des pigments biocompatibles, de la teinte choisie par le patient. » Ces pigments recouvrent la couleur naturelle de l’œil. « L’intervention en elle-même est simple et rapide – environ quinze minutes. Elle peut être réalisée en ambulatoire, sous anesthésie locale par collyre. » Un traitement antibiotique postopératoire est prescrit pour limiter les risques d’infection et le patient peut reprendre ses activités dès le lendemain. Mais si le geste paraît simple, ses conséquences, elles, ne le sont pas.
Irréversible, et non sans risques
Le Dr Saad alerte sur les risques de cette intervention, quand elle est réalisée dans un but purement esthétique. « Cette opération est irréversible. Une fois les pigments insérés, on ne peut pas revenir en arrière », insiste-t-il. « Or, on ne peut pas assurer la stabilité parfaite des pigments. Ils peuvent migrer vers les couches profondes de la cornée, provoquer une réaction inflammatoire, ou ternir avec le temps. 3-4 ans après l’opération, la couleur s’est souvent estompée. Il faut alors remettre une petite couche de pigments pour maintenir le résultat des débuts. » Certains se plaignent aussi d’une couleur obtenue trop uniforme, et un résultat manquant de naturel. La teinte initiale de l’œil peut aussi persister au bord de la cornée.
« Au vu des connaissances, il n’y a pas encore suffisamment de recul permettant de prouver l’innocuité de cette procédure. »
Dans un communiqué du 18 juin 2025, l’Académie nationale de médecine alertait, elle aussi, sur les risques de la kérato-pigmentation*. « Il existe, comme après toute chirurgie cornéenne, un risque de sécheresse oculaire et d’éblouissement après l’intervention. Une perte de cellules endothéliales pouvant favoriser une perte de transparence de la cornée avec l’âge a été décrite. Le diamètre fixe de la pupille, déterminé par les limites de la pigmentation, peut aussi gêner l’analyse des structures intraoculaires, lors des examens ophtalmologiques ultérieurs, et le traitement d’éventuelles lésions, notamment de la périphérie rétinienne. La présence de composés métalliques dans certains pigments peut exposer à un risque lors de la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique », énumère le communiqué.
L’iris artificiel : utile, mais uniquement dans un but médical
Pour changer de manière permanente la couleur de ses yeux, d’autres techniques existent. Comme l’implantation d’un iris artificiel.
« Les implants thérapeutiques sur mesure, comme ceux de la société Human Optics, sont d’une grande utilité », affirme le Dr Saad.
Chez des patients souffrant d’anidirie (absence totale ou partielle d’iris), la pose de cet implant permet notamment de diminuer la photophobie, et d’améliorer significativement la qualité visuelle. « En revanche, l’implantation d’un iris artificiel pour un motif purement esthétique est une vraie catastrophe ! J’ai dû en retirer des dizaines, qui avaient endommagé de nombreuses structures oculaires et diminué l’acuité visuelle. » La mise en place d’un implant étranger dans l’œil, en l’absence d’indication médicale, est à haut risque de complications : infections, rejet, hémorragie…
Autre alternative pour changer la couleur des yeux, la dépigmentation au laser. Le but est de détruire une partie du pigment iridien – à l’aide d’un laser Yag – afin de révéler une couleur plus claire sous-jacente, quelle que soit la nuance de base. « Je ne recommande pas du tout cette pratique », explique le Dr Saad. Encore expérimentale et non validée, elle comporte des risques élevés d’inflammation et de glaucome secondaire.
En attendant d’avoir plus de recul sur ces pratiques, il reste une solution pour changer son regard : les lentilles de contact colorées. Éphémères, certes, mais sans danger quand on respecte les règles d’hygiène, et réversibles.
*Source : https://www.academie-medecine.fr/la-kerato-pigmentation-des-yeux-un-essor-qui-nest-pas-sans-risques/