Les prismes, un excellent équipement contre la vision double

Elles ressemblent à n’importe quelle autre paire de lunettes de vue, mais les lunettes à prismes ont un super pouvoir. Ce sont en effet d’excellents antidotes à la vision double, ou diplopie. Opticienne au magasin Lissac Paris Rivoli, Marie Christine E Silva fait le point sur le sujet.
Quand tout va bien, les images perçues par chaque œil sont « fusionnées » par le cerveau. C’est ce qui permet de bien voir ce qui nous entoure. Parfois, cette mécanique déraille. La personne voit alors double. C’est la diplopie. « La plupart du temps, cela vient d’un dysfonctionnement des muscles oculomoteurs, les six muscles qui entourent l’œil et lui permettent de bouger dans toutes les directions », explique Marie Christine E Silva. « La cause peut être un traumatisme, un tonus musculaire défaillant notamment avec l’âge, un traitement médicamenteux, un AVC… Quand les muscles oculomoteurs ne fonctionnent pas comme ils le devraient, cela peut entraîner des sensations d’inconfort, des maux de tête, une vision trouble ou une fatigue visuelle, et même, parfois, une vision double. Cette dernière est très perturbante. Utiliser des prismes permettra alors d’améliorer grandement le confort visuel. »
Un prisme est un bloc de verre taillé de forme triangulaire qui va modifier la réfraction de la lumière. Il peut la dévier, la réfléchir, la disperser, ou même séparer ses couleurs. En déviant les rayons lumineux, ces prismes redirigent l’image au bon endroit sur la rétine de chaque œil. Le cerveau voit alors à nouveau une seule image, et le patient ne voit plus double. Utile en cas de défaillance des muscles oculomoteurs, mais aussi, parfois, pour corriger un strabisme, quand les yeux ne regardent pas au même endroit au même moment. Attention, les prismes ne corrigent ni le strabisme, ni les défaillances des muscles oculomoteurs. Mais ils « forcent » les yeux à travailler ensemble, en s’alignant plus correctement sur les objets regardés. Les personnes concernées retrouvent ainsi une vision plus nette.
Le « press on » provisoire
« Le press on ou prisme souple est un film en matière souple, que l’opticien pose sur la face interne des verres. Il peut le retirer à tout moment, sans altérer la surface du verre. » Il a une face striée, ce qui est inesthétique, et peut parfois brouiller légèrement la vision. Il nécessite un nettoyage fréquent. Quel est, dès lors, son intérêt ? « Le press on est généralement utilisé de manière provisoire, pour tester la valeur prismatique (la puissance du prisme, et son orientation). Autrement dit, cela permet de valider le prisme qui sera ensuite installé, pour être sûr qu’il permettra d’obtenir les résultats escomptés », répond Marie Christine E Silva. Si tout fonctionne bien, un prisme permanent peut alors être intégré au verre.
Les prismes permanents, quasiment indécelables
Quand une correction à long terme est nécessaire, « les prismes ne sont pas apposés, mais directement intégrés, façonnés dans la surface optique du verre. » Ils peuvent être intégrés à un, ou deux verres selon le cas clinique à traiter. « Le verre reste totalement transparent, le prisme ne peut pas être repéré à l’œil nu. » Seule une surépaisseur plus ou moins importante en fonction de la puissance du prisme peut « trahir » sa présence. « Les enfants ayant un strabisme, eux, sont peu prismés car l’image des deux yeux ne se forme pas strictement sur la fovéa, petite zone de la rétine où la vision est la plus précise. Ceci est une contre-indication au port du prisme », insiste Marie-Christine E Silva. « Sauf en pré-opératoire, lorsqu’une intervention chirurgicale est nécessaire. Un prisme, utilisé pendant quelques jours, va alors permettre de déterminer l’angle du strabisme à opérer. Le chirurgien s’assure ainsi que l’opération ne va pas provoquer de vision double. »
Traiter la vision double : du diagnostic à l’adaptation des prismes
En cas de vision double, il est d’abord essentiel de trouver la cause. « La première chose à faire est de consulter un ophtalmologue, pour qu’il puisse poser un diagnostic. Un prisme peut être prescrit par un ophtalmologiste ou un orthoptiste. » Une fois la puissance de la correction prismatique déterminée, le patient se rend chez un opticien. C’est une partie du métier très technique, qui demande beaucoup de précision dans l’exécution, de minutie. « Comme toute correction optique, le port d’un prisme peut donner une perception visuelle différente, des effets de tangage, d’instabilité. On va par exemple conseiller à la personne de bien rester dans l’axe de ce qu’elle souhaite regarder, ou de ne pas être trop « énergique » dans ses mouvements, pour faire disparaître cette sensation d’instabilité. Si l’opticien est là pour conseiller, notamment sur les précautions à prendre, il doit aussi rassurer. En effet, il peut y avoir une période d’adaptation. Elle n’est pas systématique, mais quand elle est là, c’est tout à fait normal. Plus la valeur du prisme est élevée, plus cette période d’adaptation peut prendre du temps. En parler permet d’éviter que le patient ne rejette sa correction. » Il faut ensuite revoir l’opticien régulièrement, environ une fois par mois, pour faire vérifier ses verres.
Les montures, plutôt en acétate qu’en métal
« Il faut choisir des montures pouvant recevoir des verres d’une certaine épaisseur, avec des matériaux plutôt solides et stables. Cela leur permettra de rester bien en place, pour que la correction soit efficace et donne le résultat escompté. À l’inverse, si la monture est légèrement de travers, cela entraînera de l’inconfort. Le métal peut se tordre plus facilement à l’usage, ou en cas de choc. Les matières en acétate sont plus appropriées. Elles ont des épaisseurs plus conséquentes, elles sont donc plus difficilement déformables. » Bon à savoir, les prismes créent davantage de reflets dans le verre. Pour plus de confort, il est donc hautement conseillé d’appliquer un traitement anti-reflets sur les verres prismés.