Myopie, des projections alarmantes

Nombreux sont les experts, dont ceux de l’OMS, qui ne cessent d’alerter sur l’épidémie de myopie à venir. Une méta-analyse, compilant les résultats de 276 études, incluant plus de 5 millions d’enfants et adolescents (5 – 19 ans) de 50 pays, sur 6 continents, dresse un état des lieux qui va dans le même sens et interpelle. Voici ses principaux enseignements.
La vue des jeunes ne cesse de se dégrader. C’est le constat implacable d’une méta-analyse*, publiée le 24 septembre 2024 dans le British Journal of Ophthalmology. Elle dévoile qu’entre 1990 et 2023, la prévalence mondiale de la myopie est passée de 24,32% à 35,81% de la population des 5-19 ans. Un enfant sur trois ne peut aujourd’hui pas voir clairement les objets éloignés provoqué par un allongement anormal de l’œil. Ceci est la répercussion d’un allongement excessif de l’œil. Selon les experts, la situation ne devrait pas s’arranger dans les années à venir. Bien au contraire ! La méta-analyse estime en effet que ce défaut visuel concernera 39,80% de la population d’enfants et adolescents en 2050. Ce sont ainsi 740 millions d’entre eux qui seront touchés à travers le monde ! Un problème majeur de santé publique, assurément.
Des disparités marquées selon les régions et les populations
Dans le détail, les plus forts taux de myopie ont été observés dans les zones urbaines et en Asie du Sud Est. Les filles sont généralement plus touchées que les garçons. L’hypothèse des auteurs : elles passeraient moins de temps à l’extérieur pendant leur enfance et bénéficieraient donc moins du rôle protecteur de la lumière naturelle. La répartition de la myopie sur la planète laisse entrevoir de fortes disparités. Certains pays paient un lourd tribut : 86% des enfants sont aujourd’hui myopes au Japon, 74% en Corée du Sud et plus de 40% en Chine et en Russie. A l’inverse, en Ouganda, le taux de myopie est d’environ 1%. De manière générale, la prévalence de la myopie est faible sur le continent africain. La génétique peut-elle expliquer à elle seule ces résultats ? Après tout, si un enfant a un parent myope, cela double son risque de l’être lui aussi.
Les experts expliquent que l’épidémie de myopie est due à l’évolution de nos modes de vie.
En Asie, la scolarité démarre souvent très tôt (vers 2-3 ans), beaucoup plus tôt qu’en Afrique, où les enfants commencent à aller sur les bancs de l’école entre 6 et 8 ans. A Singapour ou Hong Kong, par exemple ils passent plus de temps à l’intérieur, sursollicitant leur vision de près, penchés sur leurs livres ou leurs écrans, à l’âge où la myopie évolue beaucoup. Ce défaut visuel démarre en général autour de l’entrée en CP et se termine vers l’âge de 20 ans. Les chercheurs pensent que la pandémie de Covid-19 et ses confinements successifs ont accéléré ce phénomène. Ces confinements ont en effet combiné deux facteurs dévastateurs pour les yeux de nos enfants : un temps d’écran fortement augmenté et des activités en extérieur réduites à leur strict minimum. Une vision de près très sollicitée, combinée au manque de lumière naturelle, sont les grands responsables de cette épidémie de myopie. En freinant l’allongement de l’œil, la lumière naturelle est une alliée anti-myopie.
Les techniques pour sortir du flou
Ce trouble de la vision est caractérisé par une vision nette de près et floue de loin. Les lentilles de contact, comme les lunettes, sont très efficaces pour permettre aux myopes de voir net. Il existe aussi des solutions qui permettent aujourd’hui de freiner la myopie. Or, elles sont encore peu connues par les parents. Traiter de manière précoce est essentiel, pour éviter que la myopie ne devienne trop importante. Cela n’a rien d’anodin. Quand la myopie est forte, c’est-à-dire au-delà de -6 dioptries, cela augmente le risque de développer, à l’âge adulte, de graves complications, comme un glaucome, une cataracte précoce ou un décollement de rétine. Dans les cas les plus graves, cela peut mener à la cécité.
Ralentir la croissance de l’œil, vite !
En cas de myopie détectée, le spécialiste pourra prescrire des mesures correctrices. Il peut s’agir, par exemple, d’orthokératologie : des lentilles rigides, portées la nuit, font pression pour réduire la courbure de la cornée. Plus récemment, des verres de freination ont aussi vu le jour. Ces verres ont un design modifié en périphérie. La rétine est induite en erreur, pensant que le focus est devant, ce qui a pour effet de ralentir l’élongation de l’œil. En deuxième intention, de l’atropine faiblement dosée peut être prescrite. Ce médicament, un collyre, doit être utilisé chaque jour. Les parents doivent aussi, si ce n’est pas encore fait, limiter le temps que leurs enfants passent sur des smartphones, tablettes et ordinateurs. Et les encourager à passer du temps dehors, pour aller à l’école à pied, faire une partie de foot ou de tennis… Des gestes finalement plutôt simples à adopter, mais qui peuvent faire une grande différence.