Photorécepteurs : les nouvelles pistes pour préserver la vision

De la DMLA à la rétinite pigmentaire en passant par les suites d’un décollement de rétine, de nombreuses pathologies entraînent la dégénérescence des photorécepteurs, cônes et bâtonnets. A l’Institut de la Vision, plusieurs équipes de chercheurs travaillent à mieux comprendre ces mécanismes, pour développer des approches thérapeutiques innovantes.
A l’occasion du 131e Congrès de la Société française d’ophtalmologie (SFO), un symposium organisé par le groupe Optic 2000 a réuni plusieurs chercheurs de l’Institut de la Vision autour d’un enjeu commun : la préservation des photorécepteurs, ces cellules clés de la vision altérées dans de nombreuses pathologies oculaires. De la protection des cônes après un décollement de rétine à la thérapie génique pour les rétinites pigmentaires, en passant par le rôle de l’inflammation dans la DMLA, les interventions ont mis en lumière des pistes de traitement innovantes, encore en phase préclinique ou clinique, mais porteuses d’espoir pour les patients.
Il faut sauver le soldat « cônes »
Peu connus du grand public, les cônes sont pourtant essentiels à la vision. Et leur perte est un enjeu majeur de santé publique. Comme les bâtonnets, les cônes sont des photorécepteurs (des cellules de la rétine spécialisées dans la réception de la lumière). Si les premiers permettent la vision dans des conditions de faible luminosité, les seconds permettent d’avoir « une vision à haute acuité, contrastée et colorée », selon le Dr Alexandre Dentel. « Comme nous sommes une espèce diurne, nous n’utilisons pas trop les bâtonnets. Les patients sont surtout gênés quand il y a une perte des cônes. » L’ophtalmologue et chercheur souhaiteun moyen de protéger ces cônes. On sait en effet qu’ils se dégradent dans plusieurs pathologies rétiniennes. Dans la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA), ou la rétinopathie pigmentaire, mais pas seulement. « Noussavons réparer chirurgicalement un décollement de rétine. Mais après le recollement de la rétine, il arrive souvent que les photorécepteurs dégénèrent. Nous ne pouvons alors pas l’empêcher, et c’est un vrai problème », déplore le Dr Dentel. « Nous avons été capables d’isoler des cônes en culture. » De quoi mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre lors de la dégénérescence de ces cônes, et tester -pour l’instant, chez des animaux- des molécules protectrices. Bonne nouvelle, lors de leurs travaux, les chercheurs ont observé qu’en ajoutant des inhibiteurs du mécanisme de mort cellulaire, ils étaient capables de protéger les cônes de la dégénérescence. Pour voir si ce mécanisme avait un intérêt in vivo, les chercheurs ont choisi des macaques. Pourquoi ? Parce que la macula de ces primates « ressemble énormément à la macula humaine. » Les premiers résultats donnent l’espoir de développer un jour des traitements pour empêcher la dégénérescence des cônes, notamment après un décollement de rétine.
Inflammation dans la DMLA, nouvelle cible à abattre
Kaitryn Ronning, chercheuse à l’Institut de la Vision, s’intéresse aux mécanismes inflammatoires en jeu dans la DMLA, maladie fréquente et multifactorielle. Son équipe a mis en évidence le rôle clé de deux types de cellules immunitaires : les cellules microgliales (cellules de défense du système nerveux) et les phagocytes mononucléés (qui participent à la réponse inflammatoires). Ces cellules s’accumulent anormalement dans la macula, contribuant à aggraver la maladie. Cette découverte ouvre la voie à une nouvelle stratégie de traitement : cibler et inhiber cette inflammation pour freiner la progression de la DMLA.
Rétinites pigmentaires, l’espoir de la thérapie génique
La rétinite pigmentaire est une maladie génétique de l’œil qui entraîne une perte progressive de la vision. Elle est due à la mutation de gènes impliqués dans le fonctionnement des photorécepteurs. « Elle touche près de deux millions de personnes dans le monde », rappelle Sylvain Fisson, professeur d’immunologie à l’Université d’Evry Paris-Saclay. « La thérapie génique apporte un réel espoir. On utilise principalement des vecteurs d’origine virale. On introduit à l’intérieur de ces vecteurs des gènes médicaments, qui vont corriger les déficiences génétiques des cellules. L’avantage, c’est qu’une seule injection suffit pour introduire ce vecteur viral dans le site concerné, en l’occurrence, ici, l’œil. Cependant, lors des essais cliniques, cette thérapie génique a entraîné des inflammations chez certains patients. » Une grande variabilité entre individus a été observée à ce sujet. Il faudra donc trouver des moyens de contrôler cette inflammation, pour éviter qu’elle ne cause des dégâts. Et d’autres études seront encore nécessaires avant une éventuelle commercialisation. Mais l’espoir est permis. Espoir d’autant plus fort qu’il n’existe à ce jour pas encore de traitement permettant de guérir la rétinite pigmentaire.