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Un collyre pour corriger la presbytie

Un traitement approuvé récemment aux Etats-Unis, nommé Vizz, promet jusqu’à 10 heures de vision nette de près. Une alternative aux lunettes, qui ne les remplace pas pour autant.

Après 45 ans, il est quasiment impossible d’échapper à la presbytie. En cause : le vieillissement du cristallin, cette lentille naturelle de l’œil. Avec les années, il durcit peu à peu, se déformant moins facilement, ce qui rend plus difficile la mise au point sur les objets proches. Pour corriger ce trouble, les lunettes ou les lentilles sont très efficaces. Pour retrouver une vision nette de près, les presbytes disposent depuis peu d’une nouvelle option, des collyres.

Vizz, à base d’acéclidine

Le dernier d’entre eux se nomme Vizz. Mis au point par la société californienne Lenz Therapeutics, il vient d’obtenir le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) pour être commercialisé aux États-Unis. « Cette approbation représente un véritable changement de paradigme pour des millions de personnes frustrées par la perte de leur vision de près », souligne Marc Bloomenstein, chercheur clinique associé aux essais du produit en Arizona. A la différence des autres collyres déjà commercialisés, Vizz contient de l’acéclidine, dosée à 1,44%. Cette molécule a un mécanisme d’action original : elle n’agit pas sur le muscle d’accommodation du cristallin, mais directement sur la pupille. Concrètement, l’acéclidine provoque une légère contraction du muscle sphincter de la pupille – le centre noir de l’œil – ce qui réduit son diamètre jusqu’à environ 2 mm. Cette réduction crée un effet sténopéïque, parfois appelé effet « trou d’aiguille » : la pupille plus petite laisse passer un faisceau de lumière plus fin, ce qui augmente la profondeur de champ et améliore la vision de près, sans altérer la netteté de la vision de loin. C’est cette approche « sélective » qui distingue l’acéclidine des collyres plus anciens à base de pilocarpine, comme Vuity ou Qlosi. Ces derniers stimulent les muscles ciliaires responsables de l’accommodation, au prix parfois d’un léger flou à distance ou d’une sensation de tension oculaire. Avec Vizz, la stratégie est plus ciblée : en limitant son action à la pupille, le collyre permet une correction visuelle de près efficace tout en préservant le confort et la clarté de la vision de loin.

Jusqu’à 10h de vision nette

Les essais cliniques de phase III ont porté sur plus de 680 participants. Dans ces études, 91% des volontaires ont constaté une amélioration nette de leur vision de près, durant jusqu’à 10h après l’instillation. Les effets secondaires observés étaient dans l’ensemble bénins et transitoires :

  • irritation oculaire (20% des participants),
  • vision atténuée (16%),
  • maux de tête (13%)
  • rougeur conjonctivale (7 à 8%).

Aucun événement grave n’a été signalé. Le produit, sans conservateur, est présenté en doses unitaires, et s’utilise une fois par jour. Les 25 doses (environ un mois de traitement) sont commercialisées au prix de 79$. L’utilisation de Vizz reste contraignante : il faut instiller une goutte dans chaque œil, attendre deux minutes, puis administrer une seconde goutte. L’amélioration de la vision apparaît ensuite en une demi-heure environ. Cependant, l’effet n’est pas permanent : il faut répéter l’instillation chaque jour pour maintenir le bénéfice. La FDA recommande par ailleurs de ne pas conduire immédiatement après l’application, la vision pouvant être légèrement troublée de manière temporaire.

Pas un substitut aux lunettes, mais une option complémentaire

Vizz n’a pas vocation à remplacer les lunettes de lecture ou les verres progressifs. Ces derniers demeurent la solution de référence pour une correction efficace et sans contrainte. En revanche, le collyre peut offrir une alternative ponctuelle pour une soirée ou une activité sportive. Disponible aux États-Unis depuis l’automne 2025, Vizz n’est pas encore autorisé en Europe. Une demande devra d’abord être soumise à l’Agence européenne du médicament. Mais une chose est sûre, la presbytie n’est plus une fatalité.

En parallèle, les solutions optiques sont toujours plus performantes. A l’image des verres progressifs, qui ne cessent de s’améliorer. Plusieurs équipes de chercheurs réfléchissent actuellement à des verres encore plus intelligents. Perfect vision, par exemple, est un projet financé par l’Union européenne, dont le coup d’envoi a été donné le 1er juin 2025. Son objectif est de développer une monture adaptative avec des verres à cristaux liquides, qui s’adaptent automatiquement selon ce que l’utilisateur regarde.