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Vétérinaire ophtalmologiste, la vue des animaux sous haute protection

La France ne compte qu’une cinquantaine de vétérinaires ophtalmologistes. Ils rendent la vision aux animaux, dissipent leur douleur, les aident à retrouver leur vie d’avant. Parmi eux, le Dr Anaïs Cathelin. Elle nous présente son métier. Aussi peu connu qu’utile.

Dr Anaïs Cathelin, vétérinaire ophtalmologiste

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser en ophtalmologie ?

Dr Anaïs Cathelin : J’ai grandi à la campagne, à Bourges, au milieu de la France. Très tôt, j’ai su que je voulais travailler dans la médecine. Cela aurait pu être avec les Hommes, mais mon attirance pour les boules de poils m’a fait choisir les animaux. J’ai fait ma prépa à Tours, avant d’intégrer l’école vétérinaire de Toulouse, en 2013. Ma thèse de doctorat portait sur l’étude des fonds d’œil des bovins, car parmi tous mes cours, la matière « ophtalmologie » me plaisait énormément. J’ai finalement eu l’opportunité, en 2019, d’intégrer VetoOphtalmo à Bois-Guillaume, un cabinet vétérinaire spécialisé en ophtalmologie.

Quels animaux soignez-vous au quotidien ?

Dr A. C. : Dans 95% des cas, ce sont des chiens et des chats. Mais parfois, nous nous occupons de NAC (nouveaux animaux de compagnie) : lapins, furets, perroquets, caméléons… Nous avons aussi ausculté un tigre qui souffrait d’une cataracte ! Et des confrères et consœurs nous appellent régulièrement pour avoir notre avis sur des cas d’ophtalmo. Nous l’avons fait par exemple pour des phoques de la Baie de Somme. Le plus souvent, les propriétaires et leurs animaux nous sont adressés par les vétérinaires traitants.. Nous travaillons main dans la main avec nos collègues, au service des animaux. Car des symptômes oculaires peuvent être le signe de maladies plus générales. La Péritonite Infectieuse Féline (PIF), une maladie virale grave touchant les chats, peut par exemple se manifester par des atteintes oculaires. Nous pouvons alors aider à poser le diagnostic.

Quelles sont les pathologies et les interventions les plus fréquentes ?

Dr A. C. : Ce sont un peu les mêmes que celles que l’on retrouve en ophtalmologie « humaine ». Nous pratiquons beaucoup de chirurgie des paupières -par exemple pour retirer une tumeur, réparer une malposition des cils, quand les cils poussent vers l’intérieur, ou traiter une maladie entraînant des douleurs. Nous opérons souvent la cornée, par exemple suite à un traumatisme oculaire donnant lieu à des ulcères ou une perforation cornéenne. La chirurgie de la cataracte est elle aussi fréquente, notamment chez les chiens diabétiques.

Auriez-vous des cas particulièrement marquants à nous partager ?

Dr A. C. : Oui, bien sûr. Il nous arrive de voir des choses improbables. Je me souviens d’un chien de chasse qui s’était enfoncé un bâton de 10 cm dans l’œil ! C’était très impressionnant, mais heureusement, le bout de bois était enfoncé en périphérie de l’œil, et l’histoire s’est très bien terminée, l’animal n’a gardé aucune séquelle de cet accident. J’ai aussi soigné un chien qui avait fait une mauvaise rencontre avec un hérisson. Les piquants de l’animal avaient perforé son œil. Mais nous avons pu suturer sa cornée, et tout s’est très bien terminé !

Quels sont les signes d’alerte devant inciter les propriétaires à vous amener leur animal ?

Dr A. C. : Parmi les motifs de consultation, il y a tous les signes d’inconfort : un œil fermé, qui coule, l’animal qui se frotte avec sa patte… Il y a aussi tout ce qui peut suggérer un trouble de la vision, comme un animal qui se cogne par exemple. Et, enfin, les modifications d’aspect : un œil voilé, une pupille dilatée…

Y a-t-il des différences notables entre les espèces en matière de santé oculaire ?

Dr A. C. : Oui, tout à fait. La famille des carnivores domestiques (chats, chiens, furets) n’a pas la même structure oculaire que celle des serpents, ou des oiseaux de proie, comme les chouettes. Chacun a ses particularités, et pour bien les soigner, nous devons nous adapter. Les buses (des rapaces), par exemple, peuvent contrôler elles-mêmes un muscle au niveau de la pupille. Les techniques d’examen vont alors être adaptées à cette particularité.

Certains animaux sont-ils plus prédisposés aux maladies oculaires ?

Dr A. C. : Oui, c’est le cas des races Brachycéphales comme le Bouledogue ou les chats Persan qui ont le museau court et des yeux plus globuleux. Ils sont plus vulnérables aux problèmes oculaires, car plus exposés aux irritations et aux blessures. Certaines races ont des problèmes oculaires bien connus, comme le Bouledogue anglais qui nous est très régulièrement présenté pour des entropions (lorsque la paupière s’enroule vers l’intérieur), entraînant le frottement des cils ou de la peau contre la surface de l’œil. Les chats Maine Coons sont aussi plus à risque de souffrir de cette affection oculaire.

Quels types d’équipements utilisez-vous pour examiner et soigner les yeux des animaux ?

Dr A. C. : Ce sont à peu près les mêmes que ceux utilisés pour les hommes. La seule différence, c’est qu’ils sont portatifs, pour une raison évidente : on ne peut pas demander à un animal de rester immobile devant une lampe à fente ! L’appareil se déplace donc pour s’adapter à nos patients. Même chose pour les appareils permettant de faire un fond d’œil, ou de mesurer la tension oculaire. Parfois, nous devons tranquilliser l’animal, ce qui peut être le cas lorsque nous réalisons une échographie des yeux. Mais le plus souvent, nos patients sont peu stressés. Certains propriétaires les trouvent même plus rassurés que chez leur vétérinaire traitant.

Y a-t-il eu des avancées thérapeutiques ces dernières années ?

Dr A. C. : Oui, la science avance vite, et nous nous efforçons d’avancer avec elle, pour en faire profiter nos patients. Chaque année, un ou plusieurs congrès mettent en lumière les nouveaux traitements. Nous les suivons de près. Le glaucome, notamment, a fait l’objet de beaucoup de recherches. Cette pression élevée à l’intérieur des yeux peut, comme chez les humains, altérer la vision. De nouvelles techniques chirurgicales, notamment la pose de valves pour faciliter le drainage du liquide intraoculaire, permettent de contrôler la maladie et de soulager la douleur. Plus méconnue, mais fatale, la PIF a vu, récemment, l’arrivée d’un traitement très prometteur. Un vrai soulagement, alors que nous étions jusqu’à présent démunis face à cette maladie. Des chats autrefois condamnés s’en sortent aujourd’hui très bien.